« A Liége, le 1er mai, était autrefois un jour de réjouissance générale attendu avec impatience par les habitants de la ville et surtout par ceux de la citadelle. Dès l’aurore, la fête du jour était annoncée par le roulement du tambour et par les fanfares joyeuses des clairons. A quatre heures et demie, la garnison était sous les armes ; les officiers et les soldats apparaissaient en tenue d’été consistant en guêtres de toile blanche, culottes et gilets de coutil blanc, l’habit de toutes saisons en drap bleu, avec bavaroise et parements rouges, chapeau à cornes, bordé de galons blancs. Les grands exercices commençaient au son de la musique militaire, composée d’excellents exécutants, et le pont-levis de la porte
d’entrée étant baissé, une partie de la population de Liége et des environs envahissait la citadelle, pour se répandre dans les promenades et les remparts. Ce qui attirait surtout la foule, c’était le jardin magnifique dit « du commandant, » ouvert au public pendant six semaines (1).
Puis tout le monde se portait au quartier de Sainte-Balbine (2). Une foule de pèlerins se pressait pour entrer dans la chapelle, d’autres renonçant à y trouver place se mettaient à genoux en dehors. Après les dévotions, le plus grand nombre prenait ses ébats dans les cabarets ou sous les tentes, qui, dressées à la file les unes des autres, présentaient l’image d’un camp et servaient de cantines où l’on faisait frire des saucisses ou des œufs, et où l’on vendait de la bière.
Depuis l’arceau de Pierreuse jusqu’à la porte de Sainte-Walburge on passait au milieu de rues étroites et non interrompues, formées par des tables chargées d’objets de fantaisie et par des étalages de marchandes de petits pains, criant à tue tête : « haie! mes bais pùsans tortais! » Avec ces cris se confondaient ceux de : « haie! Babilone’. »
A côté, dans la prairie, se trouvaient tous les genres d’amusements : les marionnettes, les optiques, les jeux de bagues, les chanteurs ambulants, les charlatans, etc., partout on voyait des groupes assis à l’ombre des ormes mangeant les provisions apportées ou achetées sur la place. Le pot de bière allait à la ronde et faisait éclater sur son passage le rire et les bons mots dont l’idiome liégeois est si bien pourvu. En plusieurs endroits étaient établies des danses en plein air, où jeunes et vieux sautaient au son de la clarinette et du violon jusqu’à la nuit close. »
« (1) Le jardin « du commandant » passait dans ce temps-là pour être un des plus beaux de l’Europe. Commencé sous Jean-Théodore, c’était à Velbruck qu’il devait sa richesse et ses principaux embellissements. Ce prince, ami des arts et des sciences, n’avait rien négligé pour se procurer les plantes les plus rares des quatre parties du monde et cultivait même le caféyer dans ses serres de Seraing dont il aimait à faire servir le produit lors de ses grands repas de cour.
(2) La chapelle de Sainte-Balbine, à Liége, jouissait déjà vers le milieu du quatorziême siècle d’une grande célébrité. Elle était située entre la fausse-porte de Pierreuse et celle de Sainte-Walburge et entourée de tilleuls et d’ormes qui prêtaient leur ombrage aux nombreux visiteurs, et cette fréquentation donna naissance à un joli quartier qu’on a abattu en 1816. »
Calendrier belge, fêtes, usages, croyances et pratiques populaires, Otto Reinsberg-Düringsfeld, 1861
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