« Et, afin que je n’oublie rien, j’ay à ramentevoir ce que fit le duc de Bourgongne, apres qu’il eut gaigné Liège, et que le Roy se fut party de luy. Le duc ouït dire que les Liègeois s’estoyent retirés au païs de Franchemont et se delibera de les aler combatre : et vint en Franchement par le plus-grand froid , qu’il est possible de faire : et se logea en un village, qu’on appelle Pouleuvre : où luy et ses gens endurérent et faim et froidure.
Toutesfois ceux d’Ais en Alemaigne luy envoyèrent quatre queues de vin : qui luy vindrent à point : et prestement en envoya l’une à monsieur de Bresse, et au signeur de Savoye (qui estoyent aveques luy) dont ils firent grand’feste : et commencèrent vivres à venir : qui moult reconfortèrent l’armee. Au regard des Liegeois et de ceux de Franchemont, quand ils sceurent la venue du duc , et de son armee , ils s’enfuirent tous en divers lieux, et mesmement au plus espois des bois : et avint que le signeur de Traves , bourgongnon , et de ceux de Toulongeon, se mirent si-avant en leur poursuite , qu’ils furent par les Liègeois merveilleusement batus et navrés , et en danger de mourir : et, apres que le duc de Bourgongne eut demouré certains jours à Pouleuvre, cuidant que les Liègeois luy dussent venir courre sus , il se partit d’iceluy lieu : et prit le chemin contre ses païs : et traversa les rivières de Franchemont ( qui sont roides et profondes) par si-grand froid , qu’on ne pourroit plus-grand froid au monde.
Là vey-j’un flascon d’argent , plein de tizanne. La tizanne fut si-engelee dedans le flascon, que la force de la glace rompit ledict flascon : et pouvez penser si les pouvres gens-d’armes eurent pas leur part de la grande froidure :et le duc passa outre lesdictes rivières, et se mit en chemin contre Namur, pour retourner en ses païs. »
Les mémoires de Messire Oliver de La Marche, in Nouvelle collection de mémoires pour servir à l’hisdtoire de France, Tome troisième, Paris, 1837
Liège face au duc de Bourgogne
Liège en conflit
Liège au 15ème siècle