« Dans les derniers jours du mois d’avril 773, Charlemagne pénétra en Espagne avec une armée nombreuse et aguerrie, prit Pampelune, et ensuite Saragosse et Barcelone. Après avoir tout disposé pour conserver ses conquêtes, il s’en revint au pays.
Le mardi 16 juin, l’armée s’engagea dans les gorges des Pyrénées. L’arrière-garde, embarrassée par les bagages, défilait péniblement dans l’étroite et longue vallée de Roncevaux. Elle était commandée par les comtes Anselme, Eggihard et Roland. Tout à coup, elle est attaquée par les Basques, qui la mettent dans le plus grand désordre. Les Francs, harcelés dans tous les sens, essayent vainement de résister. Ils sont tués jusqu’au dernier. Roland fit des prodiges de valeur. Resté seul, et tout couvert de blessures, il s’accula contre un rocher, et se défendit longtemps encore avec sa terrible épée. Au moment d’expirer, il saisit son cor et en sonna d’une telle force, qu’il vomit des flots de sang. Charlemagne entendit cet appel de détresse, et accourut au secours de ses palatins. Il ne trouva plus que des cadavres, et vit au loin l’ennemi qui fuyait.
Après avoir fait inhumer les restes de ses héroïques compagnons , Charlemagne ramena son armée sur les bords du Rhin. Il ne tarda pas à la licencier, puis il revint à Liège pour y passer l’hiver. Il célébra les solennités de Noël et de Pâques dans la cathédrale St-Lambert.
On avait rapporté, du champ de bataille de Roncevaux, le cor d’ivoire de Roland et son épée, la fameuse Durandal. Ces deux précieuses reliques furent déposées, en ex-voto dans une église de Liège.
Note: Gladius Rolandi Durenda et tuba ejus eburnea, ostenditur juxta Leodium, écrivait en 1667 Besselius. ( Dans l’édition de Schmincke d’Éginard, De Vita el Gestis Caroli Magni, p. 55 ‘) Durandal et l’olifant se voyaient dans un monastère de Liège, in coenobio quodam Leodiensi, répétait en 1775 Heerkens, dans sa Vita Caroli Mayni d’Éginard, p. 23.
Nous ignorons quel a pu être le monastère qui possédait ces curieuses reliques. Se trouvaient-elles à Liège, dans l’église collégiale de St.-Pierre ou, en Ardenne, dans l’abbaye de St.-Hubert, dans l’église de laquelle on conserve encore aujourd’hui un grand olifant qui répond assez bien aux descriptions des vieux poètes? »
Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, v5-6 1862-1863