Otbert, cet évêque qui montra tant de fidélité et d’attachement à l’empereur Henri IV, et qui ne craignit pas d’accueillir généreusement dans ses États son ancien bienfaiteur, excommunié par le souverain pontife Pascal II, Otbert, dit Mélart, se voyant tout débiffé par maladies, chargé de chagrins et de mauvaises humeurs, enfin estrangement détraqué de santé, avisa de faire quelques petites excursions pour récréer ses esprits. A cet effet, il se mit dans une barque traînée par deux chevaux et vint à Huy par la Meuse. Quand il aborda au rivage, » septante-trois jeunes gens follastres, desbauchez et pleins de dissolutions bacchanals , la plupart notoniers et porteurs au sac,
les uns disent pensans lui faire la récréation, les autres, pour se faire plaisir, amenèrent trente chevaux qu’ils attelèrent et attachèrent à la corde de la dite barque, laquelle ils firent traîner parmi la ville jusques à la fontaine du marché, en la cuve de laquelle ils abreuvèrent leurs dits chevaux, tout le peuple y appleuvant et courant après; de quoy il fust extrêmement fasché et stomaqué, réputant et tenant cette action à une effronterie et inexpiable injure… (1) « .
L’évêque, courroucé, sortit à l’instant de Huy et revint à Liége. Les Hutois cherchèrent vainement à se faire pardonner leur outrecuidance, prétextant qu’ils avaient voulu réjouir leur prince, celui-ci demeura inflexible ; il châtia quelques-uns des plus coupables, fit grâce aux autres, « mais, pour leur faire payer la folle enchère de ceste insolence, il les condemna de traîner et tirer ceste nef, sans chevaux, à force de bras , et l’amener depuis la dite fontaine par le chemin de la Hesbain jusques au palais de Liége, lequel ils devoyent, en outre, refaire et réparer à leurs frais, es endroits plus nécessaires et où l’on le voyait plus deflait, gasté et descheu, ce qu’aucuns disent qu’ils firent à leur grande dérision et infamie, et pour exemple aux autres et suivans de ne se jouer des princes ny faire le compagnon avec eux, et que la nef fut enterrée et ensevelie dans les fondements d’une nouvelle muraille y dressée… (1). «
(1) Mélart, Histoire de Huy
Liège Pittoresque, Matthieu Lambert Polain, 1842.
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